La loi de financement de la sécurité sociale pour 2014 a modifié les dispositions de l’article L. 912-1 du code de la sécurité sociale en permettant aux branches professionnelles de recourir aux clauses de recommandation d’un ou de plusieurs organismes assureurs.
Les clauses de recommandation ne sont possibles que si le régime mis en place présente, entre autres, un « degré élevé de solidarité », c’est-à-dire comprenant des dispositifs collectifs ou individuels, non contributifs, d’action sociale, de prise en charge à titre gratuit de la cotisation de certains salariés ou d’anciens salariés, ou encore d’actions de prévention, conformément aux articles R. 912-1 et suivants du code de la sécurité sociale. Ces prestations sont définies à l’article R.912-2 du Code de la Sécurité sociale.
De son côté, l’article R.912-1 du Code de la Sécurité sociale précise que « sont regardés comme présentant un degré élevé de solidarité les accords pour lesquels la part de ce financement est au moins égale à 2 % de la prime ou de la cotisation ».
Clauses de recommandation sous contraintes
Les entreprises relevant d’une branche professionnelle ont désormais la liberté de souscrire leur régime de prévoyance ou de santé auprès de l’organisme assureur de leur choix, que ce dernier soit recommandé ou non. Reste que ce principe de liberté de choix semble remis en cause dans plusieurs accords qui obligent les entreprises relevant de la branche à verser la cotisation « de solidarité » de 2 % à l’organisme recommandé.
En clair, même si une entreprise souscrit sont régime de prévoyance ou de santé auprès d’un organisme autre que celui recommandé, elle sera tenue obligatoirement de verser la cotisation de 2 % dédiée à l’action sociale auprès de l’organisme recommandé.
La question de la légalité des arrêtés d’extension
Considérant que ce type de clause, qui complexifie la gestion des cotisations, s’apparente à une clause de désignation « déguisée » (clause abolie par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 13 juin 2013), la Fédération française de l’assurance (1) a saisi le Conseil d’Etat pour obtenir l’annulation de plusieurs arrêtés ministériels d’extension d’accords collectifs de branche prévoyant le versement de la cotisation de 2 % à l’organisme recommandé.
La FFA a contesté la légalité de ces arrêtés, notamment au motif qu’ils étaient antérieurs à la parution du décret du 9 février 2017 relatif au financement et à la gestion mutualisée des prestations présentant un degré élevé de solidarité.
Le Conseil d’Etat a sursis à statuer par une décision du mois de mars 2017 et renvoyé les parties à poser à la juridiction judiciaire deux questions préjudicielles dont une relative au financement du haut degré de solidarité.
La question était la suivante : « l’accord de 2015 permettait-il aux parties signataires, en l’absence de disposition législative, de prévoir la mutualisation du financement du haut degré de solidarité via un prélèvement de 2 % sur les cotisations versées à l’organisme recommandé, auprès des entreprises qui n’adhèrent pas à au dit organisme. » ?
Le TGI a jugé les clauses illégales…
En février 2018, le Tribunal de Grande Instance de Paris a donné raison à la FFA en estimant qu’en l’absence de dispositions législatives, les partenaires sociaux qui ont signé les accords collectifs « ne pouvaient prévoir la mutualisation du financement et de la gestion de certaines prestations, et notamment leur financement par un prélèvement de 2 % sur les cotisations versées à l’organisme recommandé, ou un prélèvement équivalent à cette somme exigible des entreprises qui n’adhèrent pas à l’organisme recommandé. »
…à tort, selon la Cour de Cassation
Cette interprétation vient d’être censurée par la Cour de cassation dans son arrêt du 9 octobre 2019.
Selon la Haute juridiction, aucune disposition d’ordre public n’interdit aux partenaires sociaux de prévoir, par accord collectif, un système de mutualisation du financement et de la gestion de certaines prestations de prévoyance sociale non obligatoires même en l’absence de dispositions légales en ce sens.
D’autre part, la signature d’une convention de branche ou d’un accord professionnel par les partenaires sociaux engage les signataires de l’accord ainsi que les adhérents aux organisations interprofessionnelles signataires de l’accord.
Dès lors, Selon la Cour, les partenaires sociaux disposent de la liberté contractuelle de conclure un accord organisant un système de mutualisation du financement du haut degré de solidarité, et notamment un prélèvement de 2 % sur les cotisations versées à l’organisme recommandé (ou un prélèvement équivalent à cette somme) exigible auprès des entreprises qui n’adhèrent pas à l’organisme recommandé.
Cet arrêt constate la légalité des dispositifs relatifs aux accords conclus avant le 9 février 2017.
(1) avec d’autres assureurs
(2) Arrêt n°1418 du 09 octobre 2019 (18-13.314) – Cour de cassation – Chambre sociale